C'était une jeune esclave qui travaillait dans les champs de
son maître.
Était elle belle ? Il était difficile de le savoir car son visage
ne connaissait guère les ablutions et elle était vêtue de haillons.
Un jour le Maître passa le long du champ où elle travaillait.
Notre esclave fut éblouie et resta longtemps debout, pensive,
avant de se repencher sur la terre.
Rentrée chez elle, elle revivait cette rencontre dont la pensée
s'imposait peu à peu avec de plus en plus de force au fil des
jours, jusqu'à ne plus la quitter. Le revoir
oh ! le revoir.
Elle prit alors conscience de son laisser aller, fit ses ablutions,
peigna sa chevelure, soigna sa vêture et l'on put découvrir sa
beauté. Des champs elle passa au service de la maison et revit
ainsi son beau Maître plus souvent.
Qu'il était beau ! Tout en lui respirait la noblesse, la force
paisible, la fière jeunesse, la grandeur d'âme.
Il parlait à sa suite avec tant de douceur. Mais elle, elle n'était
qu'une esclave parmi d'autres, que l'on ne voit guère en passant.
Alors elle se leva plus tôt, fit son travail plus vite et vint
chaque jour se poster à l'entrée du domaine pour l'apercevoir.
Cachée derrière une colonne, elle reste là des heures entières,
dans une attente amoureuse et silencieuse.
Parfois le désir de se donner toute à lui la consume; suave douleur.
Esclave ? Oh non ! Au contraire, elle est ainsi assurée d'être
toujours là où il vit. Être affranchie ? Surtout pas ! S'éloigner
? Jamais !
Amoureuse, elle pense à lui nuit et jour; et quand il passe c'est
le bonheur. Déjà de l'entendre au loin dans la maison
Elle sait qu'un jour il la regardera, qu'il la verra et qu'il
lui dira qu'il l'aime, elle aussi.
Et cela emplit peu à peu toute sa vie.
25-6-1993 / 7-10-1998
|